L’ours grogne à la Berlinale
© Théo Metais / Dans la Alte Potsdamer Straße
A l’aube d’un scrutin fédéral en Allemagne, où l’extrême droite s’apprête à faire un score historique (autour de 20% d’après les sondages), l’édition 2025 du festival berlinois a lieu dans un contexte mouvementé.
Iels ont été nombreux à s’exprimer. Bong Joon-ho (venu présenter « Mickey 17 ») l’a d’ailleurs rappelé, à Berlin c’est toujours un peu du monde qui résonne. En compétition pour « Yunan », du cinéaste Ameer Fakher, l’actrice allemande Hanna Schygulla s’est aussi exprimée le 19 février contre la montée du nationalisme, Alice Weidel et son parti l’AFD. Alors que leurs affiches trônent sur les hauteurs des lampadaires à quelques jours du scrutin, d’autres pancartes, celles de la Berlinale, sont paraphées du mot “boycott”.
L’appel a été lancé par le mouvement BDS (Boycott, Divestment, Sanctions) et s'inscrit dans la lignée des évènements qui succèdent au discours des réalisateurs palestinien Basel Adra et israélien Yuval Abraham alors qu’ils recoivent le prix du meilleur documentaire pour « No Other Land » en 2024. Leur film raconte la destruction d'un village en Cisjordanie occupée, et les deux réalisateurs avaient publiquement appelé à un cessez-le-feu. Dans la foulée, la ministre de la culture Claudia Roth (Bündnis 90/Die Grünen), le maire de Berlin Kai Wegner (CDU), le sénateur de la culture Joe Chialo (CDU), et le chancelier Olaf Scholz (SPD) condamnent ses prises de positions, les qualifiant d’« intolérables » et d’« antisémites ».
La démarche de BDS fait aussi écho à l’adoption par le parlement allemand en novembre dernier d’une résolution demandant que les subventions publiques accordées à des projets culturels et scientifiques soient subordonnées à l'adhésion à une définition particulière de l'antisémitisme, laquelle ne permet pas de critiquer la politique d'Israël ni d'appeler au boycott.
En ouverture du festival, le 13 février, et alors qu’elle reçoit un prix honorifique pour sa carrière, l’actrice britannique Tilda Swinton donne le ton. « Les massacres perpétrés par des États et leurs soutiens par la communauté internationale terrorisent actuellement plus d'une partie de notre monde. ». « J’admire beaucoup et j’ai énormément de respect pour BDS. J’y pense beaucoup », répond-elle à un journaliste lors d’une conférence de presse, avant de concéder avoir accepté l’invitation en pleine conscience. « Grâce au festival, j'ai bénéficié d'une tribune dont j'ai décidé, dans un moment personnel, qu'elle était potentiellement plus utile à toutes nos causes que si je ne venais pas. »