«Nosferatu», quand le silence est d’Orlock

Lily-Rose Depp Nosferatu

© Universal Pictures International Switzerland

Classique du répertoire expressionniste allemand, le «Nosferatu» de Friedrich Wilhelm Murnau revient après plus d’un siècle sur les écrans. Devant la caméra de Robert Eggers, et accompagné de Lily-Rose Depp, sa renaissance est absolument sublime.

Au 19ᵉ siècle, dans un petit village portuaire d’Allemagne, un jeune notaire (Nicholas Hoult) fraichement marié à Ellen Hutter (Lily-Rose Depp), est chargé de vendre une demeure au comte Orlock (Bill Skarsgård). Il prend alors la route et entame un long périple jusqu’en Transylvanie pour le rencontrer. Mais une fois dans l’antre de son château, le clerc découvre un être à la nature effrayante. Sous le joug du comte, il semble qu’il ait aussi jeté son dévolu sur sa jeune épouse. Bientôt, une terrible épidémie de peste fait rage. L’heure est grave et le professeur Albin Eberhart Von Franz (Willem Dafoe) pourrait bien lui venir en aide.

Mouvement artistique d’une importance cruciale, au début du XIXe siècle, l’expressionnisme allemand a convulsé le réel dans des œuvres pamphlétaires, abstraites, à la croisée du cinéma (encore tout jeune) et de la peinture, pour exorciser les maux de son temps. Ainsi, le symbolisme l’emporte sur le réalisme. Les décors du «Cabinet du docteur Caligari» rentreront dans la légende et la lumière emprunte aux clairs-obscurs du cinéma muet, avant de faire la réputation des films noirs des années cinquante. Quant au «Babadook», film éponyme de Jennifer Kent, il n’aurait certainement jamais excité si le Nosfertu de Murnau ne lui avait pas montré la voie.

Son influence est telle, qu’elle ne cesse de reparaître, et c’est précisément dans cette résurgence que se tient l’immense réussite du travail des équipes de Robert Eggers. Capable d’une mise en scène spectaculaire et ingénieuse, même dans la pénombre de ses pairs, le travail du directeur de la photographie Jarin Blaschke («The Lighthouse», «The Witch») est à vous décoller la rétine. Entre archive et extase, toute la distribution s’illumine à la bougie d’un conte qui aurait pu être peint par Caspar David Friedrich. Enfourchant la toge d’Orlock, Bill Skarsgård terrifie. «Nosferatu» dévoile une vision de l’emprise à la fois scabreuse, macabre, pudique et magnifiée par Lily-Rose Depp. Posant la question de la monstruosité et ses disciples, «Nosferatu» relève une fois encore du cauchemar autant que du chef-d'œuvre gothique.

Un article initialement publié sur Cineman.ch

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